Victoria's Relationship

Niveau caractère, je suis plutôt cool si je peux me permettre. Du moment qu'on vient pas me chercher, je suis comme n'importe quelle personne lambda que tu croiserai dans la rue: polie, souriante, aimable, serviable, silencieuse, le strict minimum quoi. En fait je pense que mon travail à complètement déteint sur une partie de ma personnalité. Comme par exemple, avant il y avait deux sourires: le sincère et celui qui disait "tu-m'embêtes-mais-je-suis-gentille-alors-je-fais-semblant-de-t'écouter". Maintenant s'est rajouté le sourire de serveuse disciplinée, plaqué sur le visage comme un masque résigné, presque triste, de celle qui se répète mentalement "Le client est roi. Fais ce qu'on te dit un point c'est tout. ". C'est un peu comme ça partout, dans chaque attitude s'en cache une de statue, il y a la naturelle et l'autre. Mais bon ça c'est en temps normal. Je dirais pas que je suis impulsive mais plutôt très très soupe-au-lait (je vous l'accorde c'est la même chose mais ça passe mieux). Dès que quelque chose me contrarie, je sors les griffes, littéralement. Dans ces moments là j'ai vraiment un caractère de cochon et vaut mieux ne pas être dans les parages si on tient à ses tympans. Je lésine pas sur les décibels autant au moins que sur l'insolence, le manque de respect total, la violence gratuite mais un temps soit peu maîtrisée ou la colère pure et dure. En gros un vrai petit chaton adorable. Bon je dois avouer j'ai un sens de l'ironie bien à moi. Si on oublie mes soi-disant qualités alors on peut entrapercevoir quelque chose de beaucoup plus sombre. Dans ce mélange pâteux de ressentiment, il y a la jalousie, sûrement la plus imposante qui me ronge avec ses autres amies que ne sont autre que la colère et le besoin de vengeance maladif. Mais cela ne concerne que les histoires de famille, je vais pas vous embêter avec ça... juste une vieille guerre invisible qui vous pourri la vie tout simplement. La seule personne qui me déride dans ces moments là est peut être la seule personne qui m'ai jamais comprise. Celle avec qui je deviens aussi inoffensive qu'une gamine avec le même côté malicieux, joueur qu'ont les enfants, la même insouciance presque naïve, le même instinct, cette connexion qui existe lorsque les étoiles pétillent dans nos yeux, celle pour qui je fonds totalement, celle qui sait apaiser mes humeurs et calmer mes ardeurs, le côté raisonnable de la balance pour que le tout tienne en équilibre stable, celle pour qui je ferai n'importe quoi, celle qui sait exactement comment réagir avec moi. Celle pour qui j'oublie mon côté séducteur animal dont je ne me lasse jamais. Celle avec qui je peux enfin être moi même sans risquer de représailles. Celle que j'ai créé, que j'ai détesté et que j'ai aimé. Je sais qu'elle se reconnaîtra.

Commençons par les yeux, les fenêtres de l'âme comme on dit. Les miens ne sont pas si faciles à décrire précisément, oscillant entre le bleu et le gris sous les nuages mais tirant sur le marron délavé au soleil, tout dépend du moment. Ils sont au centre d'un visage aux pommettes saillantes, aux mâchoires droites et aux lèvres rosées, le tout encadré de longs cheveux bruns légèrement ondulés. Plutôt grande, avec mes longues jambes cachées habituellement sous de larges robes et le teint hâlé hérité de mon village d'enfance sous les cyprès des Abruzzes. Plus discrètes mais cependant bien présentes, il me reste quelques traces de passages douloureux telle que la cicatrice horizontale longeant l'une de mes côtes droites ou encore les quatre petites étoiles pâles sur le tendon de ma cheville gauche.

Je suis née il y a vingt et une années de cela dans une toute petite maison à la sortie nord d'un tout petit village des Abruzzes accroché à flanc du Monte Aquila au milieu des cent villageois au moins qui y habitaient. Je suis la troisième de la famille et la plus jeune. Mes parents avaient eu avant moi, deux grands jumeaux forts et vigoureux mais tout aussi casse-pied dès la naissance. Mon père travaillait la terre et ma mère restait à la maison, nous vivons principalement avec les autres enfants du coin. Cela nous suffisait et nous étions heureux du moins c'est ce dont j'ai le vague souvenir. J'étais encore très jeune lorsque nous avons quittés notre toit de chaume pour un autre. Ça c'est passé du jour au lendemain et je ne me souviens même plus pourquoi mais je me rappelle l'angoisse qui perçait dans la voix de ma mère quand elle nous a demandé de monter dans le train. L'unique train de toute l'Italie centrale. Et on a filés plein Sud. Notre nouvelle maison ressemblait en tout point à l'ancienne, un petit village, une petite maison, mon père dans les champs rejoint un peu plus tard par mes frères et les femmes à la maison. Notre petite routine reprenait mais nos parents avaient l'air tendus en permanence et ils refusaient absolument que nous ayons de quelconques rapports avec les autres enfants. Comme s'ils avaient peur. J'ai passé toute mon enfance en marge de la société. Lorsque j'avais droit aux sorties dans le village comme pour mes quinze ans, je voyais bien les autres qui me regardaient bizarrement, moi je marchais tout droit en fixant mes pieds sans leur adresser la parole. Puis plus j'ai grandit après cet anniversaire moins j'ai eu le droit de sortir. Je devais me coucher tôt et ne rien faire d'autre qu'étudier à la maison. Ma mère avait été professeur dans le temps et elle n'avait pas perdu la main. Mes frères étaient de plus en plus distants et je m'enfermais dans les livres que je trouvais. On en avait pas beaucoup je me souviens avoir lu au moins trente fois Robinson Crusoé, je le connais presque par coeur. Le jour de leur 17 ans ils ont eu droit à ce que je voulais depuis toujours. La liberté de vivre leur vie comme ils l'entendaient. Si j'étais jalouse? Bien sûr mais je me disais qu'avec un peu de chance dans deux ans je pourrais moi aussi y goûter. C'est ce qui arriva. Mais quelque chose avait perturbé ma vie tranquille un an plus tôt. C'était un soir de pleine lune comme les autres seulement le lendemain matin j'étais allongée sous une corniche du Mont Aquila. Il était clairement impossible que j'ai traversé toute la région en une seule nuit. Puis les transformations se sont succédées toujours plus contrôlées. Et j'ai compris. Mes parents ont finis par parler. Le jour de mon dix-septième anniversaire. Ils m'ont expliqués que j'avais le droit de savoir qui nous étions: des tigres, des êtres surnaturels traqués et décimés. Nous avions fui le petit village des Abruzzes à cause d'une famille de chasseurs mais nous nous retrouvions ici, cernés. Ils avaient bien calculé leur coup en nous tenant en surveillance rapprochée, expliquant du même coup les interdictions de mon enfance. C'était simplement pour notre sécurité jusqu'à ce que nous puissions nous défendre seuls. Suite à cela j'ai enfin appris à vivre avec les autres enfants, j'ai décroché un travail dans le bar du coin, j'ai vécu histoire d'amour sur histoire d'amour, je me suis fait des amis, et je retrouvais ma famille à la pleine lune. Je n'ai plus jamais relu Robinson Crusoé.
Mais la vie n'est jamais toute rose, c'est ce qu'elle veut nous faire croire mais elle s'amuse bien à nous torturer. Elle avait décidé de jouer encore un peu avec moi un soir comme les autres. Tous les clients étaient partis, ou presque. Il restait bien encore ce jeune homme, je n'avais pas le courage de le mettre à la porte alors j'attendais patiemment pour fermer le bar. Le calme plat de la place du village fut alors déchiré par le bruit de moteurs que je connaissais bien. Les chasseurs de mon ancien village. Ils avaient donc décidés de s'en prendre à nous aujourd'hui. Les trois hommes sortis tout droit d'un mauvais western n'hésitèrent pas une seconde. Mais quand leurs balles fracassèrent les vitres j'étais étalée au sol sous le jeune homme. La surprise n'est pas ce que je préfère et a souvent le don de me faire perdre le contrôle sur le tigre à l'intérieur de moi. Ainsi c'est un énorme chat strié de noir qui sauta sauvagement sur le premier des chasseurs pour l'égorger d'un coup de dent. Je ne raffole pas du sang, loin de là, mais la situation exigeait que je laisse parler l'instinct et la violence de la bête. Alors que les deux autres hommes prenaient la fuite, je me précipitais derrière eux pour leur réserver le même sort qu'au premier. C'était risqué surtout que la grand rue déversait tous les petits curieux près du lieu de l'accident. Passant par les petites ruelles, il ne me restait plus qu'à dénicher le jeune. Je le trouvais enfin et le faisais tomber en l'écrasant sous mon poids. Il était à deux doigts de mes crocs luisant mais j'avais repris le contrôle et je ne souhaitais pas lui faire de mal.
"Merci d'avoir tenté de me sauver" bon... ça sonnait bien mieux dans ma tête.
Il avait deviné qui j'étais mais je voulais m'assurer qu'il n'allait rien balancer. Je savais qu'il y avait une deuxième famille de chasseurs dans le coin et qu'il se mettent à nous traquer était la dernière chose que je souhaitais. J'avais dû lui faire une peur bleue car qu'il ne protesta pas et je lui donnais un grand coup de langue sur sa joue pour l'en remercier et je m'éclipsais dans la nuit. Armando, c'était son nom, revint souvent au bar après cet événement. On s'entendait très bien mais je préférai limiter les contacts à mon travail seulement pour notre sécurité. J'avais peut être eu raison de me méfier. Je le revis ensuite un soir de pleine lune. Je chassais avec ma famille mais m'étais légèrement éloignée. J'avais sentis sa présence et je voulais l'éloigner des autres. Il était là devant moi. Alors que j'étais terrifiée immobile, lui se tenait bien droit, l'arbalète pointée directement sur mon coeur. Mais il fit quelque chose que je n'oublierai jamais. Il lâcha son arme et tomba à genoux. Je compris alors quelque chose. Je n'avais pas envie de m'en aller, ni de rejoindre les autres dans les bois, ni de m'en prendre à lui, je ne voulais que le remercier et m'allonger près de lui la tête sur les pattes de devant. Et il me demanda quelque chose d'horrible qui le changerai à jamais mais je ne pouvais rien lui refuser et mes crocs se plantèrent dans la chair tendre de son bras.

Nous avons fuit. Lui et moi. Nous avons fuit sa famille et les autres. Son père a tué le mien peut après que j'ai mordu son fils. Ma mère s'est suicidée de chagrin et j'ai perdu de vu mes frères. Nous avons fuit l'Italie. Nous avons fuit le plus loin possible. Nous avons tout recommencé à zéro. J'ai repris le seul emploi que je savais faire et lui s'est mis au service des autres. Beacon Hills n'était peut être pas le meilleur choix pour passer inaperçu entre ses meurtres inexpliqués et ses disparitions mais c'est aussi un bon moyen de chasser et sévir sans être remarqué, sans se détacher du lot.